Les lignes de covoiturage sont-elles un concept innovant ou un simple objet marketing ?
Le covoiturage régulier rencontre encore des difficultés à s’imposer et à faire partie du quotidien des français. Changer les habitudes n’est pas simple. Plusieurs approches se développent pour favoriser la pratique du covoiturage, signe que les outils d’il y a quelques années ne sont pas les bons ou n’ont pas atteints leur maturité. L’éco-système du covoiturage fourmille d’initiatives qui parfois ne sont que les recettes du passé dans un nouvel emballage. Un nouveau dispositif commence à apparaître sous l’appellation “lignes de covoiturage”.
Le système des lignes de covoiturage se rapproche des lignes de bus. C’est un axe, avec un “début” et une “fin” de ligne et dans certains cas avec des arrêts pour faciliter les points de rendez-vous.
Des acteurs du covoiturage adoptent ce système, mais est-il vraiment efficace ? Nous aborderons les avantages et inconvénients de celui-ci. Est-il envisageable partout en France ? Et quelles autres solutions peuvent substituer aux lignes de covoiturages ?
Des acteurs du covoiturage tentent d’ouvrir des lignes! On pense naturellement à BlaBla qui semble ouvrir le bal alors que quelques start-up comme OuiHop officient déjà sur le sujet mais c’était aussi expérimenté au début des années 2000 en France sous le nom CarPuce puis i-covoiturage ! Peut être en réponse à Transdev qui a également une solution expérimentée dans le Vercors pour laquelle les usagers témoignent de la similarité à l’expérience de Covivo en 2010, Ecolutis/SNCF a emboîté le pas récemment entre Bourgoin et Lyon, là où il existe déjà TER et lignes de car! En somme rien de nouveau, peut être juste un outil dont il faut savoir se servir.
Il se distingue du covoiturage quotidien ordinaire car il n’est plus question de laisser les covoitureurs librement poster leurs annonces sur tout le territoire. Non, il s’agit de limiter les offres à certains points pour atteindre “plus facilement” une masse critique d’utilisateurs et garantir un niveau de service engageant une spirale positive, c’est-à-dire créer des communautés autour d’axes ou dessertes.
Les avantages
Cette volonté de créer une “communauté” autour d’un même itinéraire peut être intéressante. Car elle permet de réunir des conducteurs et des passagers effectuants le même trajet avec une plus grande probabilité de trouver le covoitureur idéal.
Elle facilite également la prise de rendez-vous si des arrêts sont matérialisés sur l’axe.
En découle ensuite un meilleur ciblage pour la communication, afin de garantir plus de réussite et pour sensibiliser davantage (comme par exemple une campagne d’affichage). Car l’une des clés de la réussite pour augmenter la pratique du covoiturage, c’est la communication. Si un potentiel utilisateur connaît l’existence du site alors il aura plus de chances de visiter le site pour ensuite passer à l’action en postant une annonce ou en trouvant un conducteur.
Pour certains acteurs, la de ligne de covoiturage est un complément aux transports en commun, qui ne sont pas toujours adaptés à tous les citoyens. Une ligne de covoiturage peut faciliter la pratique du covoiturage, car l’utilisation des lignes de bus sont généralement plus familières que le covoiturage domicile-travail. La flexibilité des horaires peut être également un atout, un covoitureur peut trouver une personne effectuant un trajet dans les mêmes tranches horaires. De plus, par rapport aux transports en commun, le conducteur et le passager peuvent s’arranger plus facilement sur le point de rendez-vous et de dépose. Mais attention, la ligne n’est qu’une segmentation de l’offre et si elle peut intervenir en complément, elle peut parfois s’apparenter à de la concurrence quand les fréquences sont déjà correctes.
La complémentarité intervient à deux conditions: en zone peu dense, là où les fréquences sont trop faibles (et c’est d’ailleurs sur ces territoires que sont aussi expérimentés des services de lignes avec un support appelé borne ou station de covoiturage ou encore autostop participatif ou covoiturage spontané) ou éventuellement sur des lignes express aux heures de pointe où peut intervenir un phénomène inverse de saturation des transports en commun. Dans les deux cas le réseau de transport en commun constitue une forme de garantie retour: le covoitureur peut spontanément prendre un covoiturage car il sait qu’au retour il aura un bus ou vice-versa.
Malheureusement les lignes de covoiturage ne concernent actuellement que peu de zones rurales et trop souvent des villes déjà bien desservies par les transports en commun, comme si les opérateurs avaient besoin de capter avant tout une audience sans prendre le risque d’un échec! L’acteur suisse Taxito n’a lui pas peur des échecs et c’est fort d’une expérience qui remonte au début des années 2000 que ses lignes de covoiturage continuent de progresser en milieu rural à condition que l’effort de communication soit continu!
Les inconvénients
Comme nous l’avons mentionné auparavant, la création d’une communauté trajet peut vraiment sensibiliser et motiver des automobilistes à covoiturer. Cependant il y a tout de même un risque à ce que cette action n’atteigne pas son public cible. Et surtout, qu’elle laisse de côté de véritables conducteurs et passagers intéressés.
Parce qu’avant tout, le covoiturage doit être une sorte de maillage, accessible à tout le territoire pour éviter toute discrimination à l’accès aux transports. Le covoiturage est un réel moyen pour compléter les transports en commun, il ne doit donc pas se limiter à un seul axe routier.
Même s’il peut être complémentaire, le covoiturage doit être libre et indépendant que ce soit d’un point de vu tarifaire ou dans la pratique. Les transports en commun sont déjà actuellement assez limités sur certaines parties du territoire français, le covoiturage doit réellement rester une alternative et permettre de desservir des zones rurales.
Dans cette mesure, le moyen le plus efficace est d’envisager les différents services de covoiturage de manière complémentaire. Si chaque service peut répondre à des besoins différents pour des territoires et des cibles d’usagers différents, la segmentation de l’offre et le marketing risque d’apporter de la confusion. L’organisation des transports en commun a souffert et continue de souffrir de la superpositions des AOM sur les mêmes territoires, les mêmes AOM ont aujourd’hui la charge de ne pas reproduire cette erreur avec le covoiturage quand elle peuvent en maîtriser le périmètre, ce qui n’est pas le cas de tas d’initiatives privées dont la priorité n’est pas par essence l’intérêt général.
Alors quelles actions peuvent faciliter la pratique du covoiturage ?
Avoir un service dédié au covoiturage sur son territoire est un véritable avantage, mais il n’est pas suffisant si le site n’est pas connu du grand public et utilisé dans les entreprises génératrices de flux. Il est nécessaire d’attirer des conducteurs et des passagers, pour cela il faut dégager un budget et mettre en place un plan de communication et d’animation ambitieux.
Des animations localisées ne sont pas idéales si l’on souhaite communiquer sur un vaste territoire. Il est plus sûr alors de miser sur une incitation financière ou sur un jeu concours, il est plus plausible dans ce cas de toucher un public plus large. De nombreux dispositifs se passent de plate-formes traditionnelles (par exemple à Rennes avec Covoiturage+ ou dans l’arc jurassien avec Mobilidée) et misent l’essentiel sur la relation individuelle (souvent au téléphone) pour fixer le 1er rendez-vous qui va déclencher la pratique.
Sur le plus long terme, une des solutions possibles serait la mutualisation des annonces des différents services de covoiturage. Pour ainsi augmenter les annonces de covoiturage, aussi bien conducteur que passager. C’est l’enjeu du standard RDEX et de l’interopérabilité en Auvergne Rhône-Alpes récompensée pour son dispositif mais aussi de métamoteurs de recherche sur covoiturage-leman ou sur Vianavigo qui tendent vers des solutions de mieux en mieux intégrées.
Néanmoins la plus grande difficulté est de changer les habitudes des autosolistes que nous sommes et à l’image du covoiturage dynamique ou des lignes de covoiturage aujourd’hui, si le concept n’est que marketing, il ne suffit pas!