Réputé pour la richesse de sa biodiversité et son parc naturel protégé, le plateau du Vercors (Isère) pourrait paradoxalement devenir l’un des symboles du mariage parfait entre la voiture et les dernières avancées technologiques de la téléphonie mobile.
Jusqu’au 26 novembre, le département de l’Isère expérimente en effet – entre l’agglomération grenobloise et les communes du massif du Vercors – l' »é.covoiturage », un système de covoiturage instantané à vocation écologique. En clair, il s’agit pour un passager non véhiculé et un conducteur, tous deux préalablement inscrits sur une interface en ligne gérée par le conseil général, d’entrer en relation afin de partager les frais d’un trajet commun.
Rien de novateur jusque-là, ce système existant déjà sur Internet. Sauf que cette prise de contact pourra, grâce à leurs téléphones portables, se faire dans l’immédiateté de leurs besoins de déplacement.
« L' »é.covoiturage », c’est faire le pari que la voiture, qu’il sera difficile de faire disparaître du jour au lendemain, peut devenir une troisième voie de transports en commun et ainsi participer à la réduction des émissions de CO2, résume Didier Rambaud, chargé des transports au conseil général de l’Isère. En général, le covoiturage reste rare entre personnes qui ne se connaissent pas. Notre objectif, c’est d’aller au-delà de cette barrière sociale pour encourager des déplacements plus écologiques. »
Concrètement, le passager transmet par SMS, à tous les conducteurs connectés par leur smartphone à Covisoft, l’application dédiée au concept, les coordonnées GPS de l’un des 76 points relais où il se trouve. Si un conducteur accepte sa demande de covoiturage, il s’engage à se rendre au lieu de rencontre et à déposer le passager jusqu’à un point d’arrivée décidé. Jusqu’à la fin de l’expérience, qui devrait coûter 70 000 euros au conseil général, le conducteur percevra 10 centimes d’euro au kilomètre et des bons d’achat de 30 euros délivrés par le conseil général.
Code secret
Si le concept venait à être adopté, aucune transaction financière n’aurait lieu au sein du véhicule. Grâce à un code secret inscrit par le passager sur le téléphone du conducteur à sa montée et à sa descente de la voiture hôte, les comptes des deux protagonistes seront, selon leur statut, crédités ou débités « à la manière d’un relevé bancaire, ajoute Didier Rambaud. Une manière de sécuriser le système et de repérer facilement, à l’aide d’un système de notation, tout comportement déviant ».
L’expérience, qui doit permettre d’évaluer sur le terrain la fiabilité des moyens techniques mis en place et l’accueil réservé aux usagers, sera testée pendant deux mois par 150 volontaires. Pour la collectivité, l’objectif sera, à plus long terme, de diminuer le flux de circulation des 9 000 véhicules qui encombrent chaque jour les deux axes reliant le plateau du Vercors et Grenoble. Et pourquoi pas de généraliser le système à l’ensemble du département.
« Nous n’avons pas encore étudié avec précision le modèle économique du concept s’il était définitivement appliqué, avoue Yvan Martinot, chargé du projet au conseil général. Une fois le principe en place, notre rôle devrait se limiter à la gestion et à la maintenance du système de mise en relation. »
Deux problèmes subsistent : l’accès au réseau téléphonique dans certaines zones reculées du Vercors et la question de l’assurance du passager. Bien que le discours officiel garantisse la couverture des passagers par l’assurance au tiers des conducteurs, les doutes subsistent sur la viabilité de ce point. « Les compagnies d’assurances pourraient remettre en cause un tel système, avoue Yvan Martinot. En cas de litige, elles pourraient avoir gain de cause. C’est un point qu’il va falloir éclaircir. »
Les Français appelés à « bouger autrement »
Le covoiturage est l’un des thèmes phares de la semaine de la mobilité durable (« Bougez autrement »), qui a lieu en France du 16 au 22 septembre. Une initiative proposée par le ministère de l’écologie, qui invite les Français à repenser leurs modes de déplacement : le coût de la voiture est 20 fois plus élevé que celui des transports publics.
Trois millions de Français ont déjà testé le covoiturage, qui permet d’économiser 1 760 euros par an et par personne sur un trajet quotidien de 30 km.
Source : Le Monde