Les transports et les déplacements sont des enjeux cruciaux sur un territoire insulaire. C’est pourquoi la région Réunion s’engage sur la voie d’une mobilité durable avec le lancement d’une plateforme de covoiturage.
François BERNIGAUD, responsable de ce projet nous explique.
- Pouvez-vous vous présenter en quelques mots et nous parler du projet de La Réunion ?
L’environnement législatif de la gestion de la mobilité en France a évolué avec les lois NOTRE (2015) et MAPTAM (2014). La loi NOTRE a fait remonter à la région les compétences précédemment dévolues au département (transports interurbains et transports scolaires). Auparavant, la loi MAPTAM a fait évoluer la compétence transport vers une compétence mobilité. Cette dernière s’étend aux déplacements non motorisés et aux usages partagés des véhicules.
L’île de la Réunion est à la fois une région et un département, et au titre des nouvelles compétences que lui accorde la loi, la région prend des dispositions pour développer tout ce qui est du ressort de sa compétence mobilité. Elle a réalisé son Schéma Régional des Infrastructures et des Transports (SRIT), et décidé de développer un réseau de transports en commun performant à l’échelle de l’île mais aussi de mettre l’accent sur les mobilités alternatives.
Ensuite, la Région a lancé en 2012 une étude pour la réalisation d’un schéma directeur de covoiturage et l’aménagement de parcs-relais. Selon les préconisations de ce schéma, conjointement avec l’ADEME. Elle a lancé un Appel à Projet pour promouvoir et développer la pratique du covoiturage sur le territoire réunionnais.
La géographie de l’île créée des effets corridors qui sont propices au développement du covoiturage de type ligne virtuelle.
Je suis consultant dans le domaine de la mobilité et j’étais dans l’équipe d’Assistance à Maitrise d’Ouvrage pour le déploiement de la centrale de covoiturage de la Région Auvergne Rhône-Alpes développée par COVIVO. Ce projet m’a permis de faire connaissance avec l’équipe et d’apprécier la qualité de la solution développée par COVIVO et sa maîtrise de la gestion de projet.
Étant déjà intervenu dans l’île de la réunion j’avais également une connaissance de l’écosystème de la mobilité dans ce territoire. Nous avons donc monté un groupement pour répondre à l’appel à projet de la Région Réunion.
Cet appel à projet comprenait trois axes :
- La création d’aires de covoiturage
- Le déploiement d’un outil de gestion du covoiturage
- Un volet consacré à l’animation et la communication.
Pour nous le volet animation et communication est le plus important, c’est pourquoi nous étions candidats pour les axes 2 et 3 et que nous avons inclus dans notre groupement une agence locale de communication.
Notre proposition n’a pas été retenue dans la forme où nous l’avons présentée, mais seulement pour l’axe 2. Notre stratégie de réponse a été de ne pas se mettre en concurrence frontale avec les offres déjà présentes sur l’île (d’ailleurs très peu nombreuses) et de mettre l’interopérabilité au centre d’un dispositif. Tout cela pour permettre à tous les prestataires d’augmenter la probabilité de mise en relation lorsqu’un de leurs abonnés publie une annonce.
- Quels dispositifs comptez-vous mettre en place pour atteindre vos objectifs à La Réunion?
Le covoiturage courte-distance peine à s’imposer comme un service de mobilité ordinaire, et nous considérons que les usagers qui l’ont déjà adopté sont des ambassadeurs précieux qu’il ne faut pas décourager en provoquant trop de changements rapides et soudains dans l’offre de service. C’est pourquoi nous nous positionnons non seulement comme l’un des prestataires de covoiturage sur l’île mais aussi, et en plus, comme un fournisseur des autres prestataires. Cette fourniture se matérialise dans le kit d’interopérabilité, pour convaincre les autres opérateurs de mettre en place l’interopérabilité. Nous argumentons auprès d’eux les avantages de l’interopérabilité et nous les accompagnons dans sa mise en œuvre. Le kit comporte un modèle de convention, la description du processus d’agrément et la spécification technique de l’interface.
- Comment fonctionne l’interopérabilité et quels en sont les enjeux ?
L’interopérabilité consiste à mettre en relation entre elles les plateformes de covoiturage d’un même territoire. Ainsi lorsqu’un covoitureur publie une annonce, si la plateforme à laquelle ce covoitureur est abonné n’a pas de réponse, elle interroge les autres plateformes et peut proposer une mise en relation avec l’abonné d’un partenaire. On voit que c’est une application très concrète du concept gagnant-gagnant. Le niveau de mise en relation augmentant globalement sur le territoire, et ainsi, augmente l’attractivité du service tout en respectant l’originalité de l’offre de chaque prestataire.
Techniquement, l’interopérabilité s’appuie sur des APIs, qui sont des technologies communes pour faire dialoguer des systèmes informatiques, ces APIs sont standardisées et ne sont pas la propriété d’une entreprise en particulier.
- Pensez-vous que l’intermodalité aura un impact positif sur le tourisme ?
Tout ce qui facilite les déplacements est positif pour le développement du tourisme. En effet, les touristes sont presque tous équipés de smartphones, et ont le réflexe de l’utiliser pour rechercher ce qui peut les aider à organiser leur séjour lorsqu’ils arrivent sur l’île. L’application mobile de covoiturage est donc ici une aide précieuse. Des liens judicieux sur les sites internet touristiques vont mentionner l’existence des services de covoiturage comme moyen de gérer ses déplacements.
- Comment voyez-vous le développement de la plateforme de covoiturage dans les prochaines années ? Et pouvez-vous nous parler des solutions de mobilité ?
La situation actuelle se caractérise par une prolifération des prestataires alors que le niveau d’adoption du service reste très faible. Les services sont éphémères, ils tentent chacun de spécialiser le service pour un sous-ensemble solvable d’usagers potentiels.
Enfin, pour franchir les obstacles au développement du covoiturage, je vois trois axes de travail :
- Inscrire le covoiturage dans un continuum de services de mobilités allant de l’auto-stop aux lignes régulières de transport en commun. Exemples : mise en relation entre des annonces de covoiturage et les demandes de TAD (dans les deux sens) ; fusion des applications mobile d’auto-stop et de covoiturage dynamique, …
- Ajouter la mobilité dans le bouquet de services des réseaux sociaux, particulièrement les sites de voisinage. Là aussi, une forme d’interopérabilité peut apporter un progrès : les annonces de covoiturage d’un site de voisinage connectée à la base de données des annonces du site de covoiturage du territoire.
- Augmenter et améliorer le service. Ce qui amène à l’accessibilité à tous les publics et à limiter l’apparition des déclinaisons du même service pour des publics spécifiques.
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