Le Conseil de surveillance de Mobicoop s’est réuni le 6 décembre 2023 et a nommé Bénédicte Rozes présidente de la coopérative. Elle succède à Bastien Sibille. Interview croisée entre l’ancien président et sa successeure.
Comment s’organise désormais le Directoire de Mobicoop ?
Bastien Sibille :
La Présidence est, comme pour chaque membre du directoire, nommée pour 4 ans. Désormais, le Directoire se compose d’un Directeur général, Matthieu Jacquot, et d’une présidente, Bénédicte Rozes. Les responsabilités restent inchangées. Nous avons fait le choix en 2023 de donner plus de responsabilités aux membres de la coordination (c’est-à-dire les salariés qui coordonnent les pôles de Mobicoop). Ce fonctionnement nous permet de porter Mobicoop de façon collégiale et d’impliquer plus fortement les coordinatrices et coordinateurs dans la gestion de notre coopérative. C’est aussi l’opportunité de ne pas concentrer la parole de Mobicoop sur une seule personne mais de mettre en avant une pluralité de profils, de métiers et d’expertises.
Quelles sont les rôles du Président•e de Mobicoop ?
Bastien :
La présidence a selon moi 3 principales missions :
- s’assurer du respect des valeurs coopératives aussi bien dans la gestion de la coopérative que dans la relation aux sociétaires ;
- donner au Conseil de surveillance les moyens pour assurer sa mission, maintenir une qualité de relation avec ses membres tout en maintenant des échanges réguliers ;
- représenter Mobicoop et faire entendre sa voix dans l’écosystème de la mobilité partagée.
Quel bilan dressez-vous du mandat de Bastien Sibille ?
Bénédicte Rozes :
Bastien a été central dans la création de Mobicoop en 2018. Il lui a donné un nom, rédigé ses statuts…. Il a également su mobiliser 1 200 sociétaires et réunit sa gouvernance. Il a donné à Mobicoop une place dans le secteur de l’ESS et une visibilité nationale.
Mobicoop est une aventure collective, marquée de rencontres, de personnalités…. Celle de Bastien, mais aussi celle de Matthieu qui a apporté à Mobicoop son premier modèle économique avec l’entreprise Covivo et assure la direction générale. Il y a également l’empreinte d’Alain Jean et la mienne à travers la fusion de Mobicoop et Rezo Pouce en 2021.
Et bien sûr, la marque de l’ensemble de l’équipe Mobicoop : celles et ceux qui sont parti·es, qui sont présent·es depuis le début de l’aventure ainsi que toutes les nouvelles recrues.
Bastien a présidé la coopérative de 2018 à 2023. Il est difficile de résumer cinq ans de travail en quelques lignes. Si je ne devais retenir que 2 points, je dirais que Bastien s’est toujours attaché à ce que ses décisions soient toujours les plus justes possibles tant pour les salarié·es que vis-à-vis de l’extérieur, en incarnant avec ambition et exigence notre position d’acteur de l’intérêt général.
Mobicoop est là ; elle emploie 31 salarié·es ; elle est équilibrée sur le plan économique ; elle est reconnue sur le plan national. Ce succès est collectif, certes, mais c’est aussi le bilan de cette première présidence assumée par Bastien. Merci à lui, car même si les enjeux sont aussi importants que nombreux, c’est confortable de prendre la présidence dans un contexte serein et prometteur.
Pourquoi un changement de présidence maintenant ?
Bastien : Je remercie Bénédicte pour les mots qui précèdent. Quitter la coopérative alors qu’on l’a tant eu chevillée au cœur et à l’esprit est une chose difficile. Mais je suis fier de la coopérative, je suis fier de ce bilan. Comme je l’ai plusieurs fois dit à l’équipe, Mobicoop est ce que j’ai fait de mieux dans ma vie professionnelle et la création de la coopérative est très centrale dans ma vie.
Si j’ai sans doute été la bonne personne pour catalyser la création de la coopérative de 2016 à 2023 plusieurs signaux, de la mi-2022 à la mi-2023 m’ont fait comprendre que je n’étais pas le mieux positionné pour lui faire vivre la seconde phase de sa vie. J’ai été attentif à ces signaux car je porte pour la coopérative une ambition démocratique : je crois que les gouvernances doivent être à l’écoute des écosystèmes qu’elles incarnent et emmènent.
La visibilité que j’ai acquise sur les questions de transformation économique à mener pour répondre à la crise écologique et sociale n’était plus compatible avec le besoin profond de la coopérative d’une visibilité accrue sur les questions de mobilité à proprement dit.
Bénédicte Rozes saura, j’en suis convaincu, donner à la coopérative cette nouvelle visibilité et incarner la seconde phase de son développement.
Bénédicte Rozes devient présidente de la coopérative. Pourquoi a-t-elle été choisi par le Conseil de surveillance ?
Bastien : C’est une décision collégiale. Matthieu, Bénédicte et moi avons réfléchi à la meilleure option pour Mobicoop, pour assurer l’avenir de notre coopérative tout en restant fidèle aux valeurs que nous défendons. Dans le même temps, le Conseil de surveillance, présidé par Catherine Lestre de Rey, a également évalué plusieurs options. Nos points de vue ont convergé en la nomination de Bénédicte. Sa connaissance des enjeux de mobilité, la façon dont elle a mené son travail au sein du Directoire, ses relations avec l’équipe et les différentes parties prenantes de la coopérative nous ont convaincus qu’elle était la bonne personne pour présider la coopérative. Je profite de cette occasion pour remercier chacun des membres du Conseil de surveillance pour le temps qu’ils et elles ont consacré et consacrent à Mobicoop.
Bénédicte : Je voudrais également ajouter que cette nomination est le signe d’une convergence de vues entre les membres du Conseil de surveillance et le Directoire sur le chemin à donner à notre coopérative. Je suis ravie de travailler de concert avec les membres du Conseil et je les remercie autant pour leur appui et que pour leur apport.
Bastien Sibille, vous quittez votre rôle de Président. Quels sont vos projets futurs ?
Bastien : Je reste dans la coopérative pour encore quelques mois afin de :
- rester à l’écoute de l’équipe salariée dans ce temps de transfert de gouvernance ;
- accompagner Bénédicte dans sa prise de fonctions ;
- transférer la direction opérationnelle du pôle mobilisation.
Je n’ai à cette heure pas de piste d’embauche et n’ai pas commencé à chercher un nouveau travail.
Quelle est votre vision, Bénédicte Rozes, en tant que nouvelle présidente ?
Bénédicte : Mobicoop est pour moi une entreprise qui s’inscrit dans le sens de l’histoire. Nous ne pourrons transitionner sans solidarité. Je suis très attachée à la mobilité pour toutes et tous, car la mobilité est un pilier de l’inclusion. Pouvoir se déplacer, c’est avoir accès aux soins, à la culture, à la formation, à l’emploi… La mobilité, c’est aussi conserver une vie sociale, être membre à part entière de notre société. Je suis aussi très attachée à la mobilité sur tous les territoires. Il est essentiel que nos services contribuent à offrir des solutions pour les déplacements quotidiens là où les transports en communs ne sont pas pertinents ou qu’ils complètent une offre lorsqu’elle s’avère insuffisante.
La mobilité n’est pas une marchandise comme les autres, elle ne peut être soumise à l’offre et à la demande…. Nous devons défendre les plateformes publiques de covoiturage. Le covoiturage est une solution d’avenir pour les territoires peu denses. Le fonctionnement actuel facilite son développement dans des secteurs où il concurrence le transport en commun. Quelle est la logique ? D’un côté les pouvoirs publics soutiennent les transports en commun, de l’autre ils subventionnent le covoiturage qui concurrence ces mêmes transports en commun. Nous avons une voix à faire entendre pour créer une autre voie.
Notre expérience de la mobilité, notre lien étroit avec les territoires, notre appétence pour l’innovation, notre besoin de donner du sens à notre travail, notre exigence, sont un avantage à explorer. Les défis sont de taille mais nous sommes largement en capacité de les relever. Notre collectif est précieux et nous avons une richesse humaine sur laquelle nous appuyer : sociétaires, client·es, salarié·es… Je suis fière de contribuer à l’aventure Mobicoop et je suis heureuse d’être là aujourd’hui. La mobilité est en pleine effervescence, c’est ce qui fait qu’elle est pour moi passionnante.