La pollution atmosphérique est un enjeu de santé publique : 40 000 personnes en meurent chaque année. Les Zones à faibles émissions (ZFE) se présentent comme une réponse à la fois écologique et égalitaire à ce problème tout en garantissant le droit à la mobilité pour tous. Pourtant, la réalité est beaucoup plus complexe.
L’égalité en jeu : un accès à la mobilité pour tous
Les ZFE sont conçues pour restreindre la circulation des véhicules les plus polluants dans certaines zones urbaines, afin de réduire les émissions de CO2 et d’améliorer la qualité de l’air. Elles devront se déployer dans les métropoles de plus de 150 000 habitants d’ici 2025. Cependant, il est essentiel de s’assurer que ces mesures ne créent pas de nouvelles inégalités en restreignant l’accès des individus à faibles revenus aux opportunités économiques et sociales au sein de la ville.
L’un des risques inhérents aux ZFE est la potentialité d’accentuer la ségrégation sociale en poussant les populations moins aisées vers les périphéries, loin des zones d’emploi et des services essentiels. Cela pourrait engendrer un cercle vicieux où l’éloignement des opportunités économiques aggraverait les inégalités, tout en augmentant potentiellement les émissions de CO2 liées aux déplacements plus longs.
L’étude de Nathalie Havet, Caroline Bayart et Patrick Bonnel en 2019 sur l’agglomération lyonnaise est éclairante à ce titre.
Les chercheurs notent que globalement, en 20 ans, les distances domicile-travail ont augmenté même si elles restent inférieures à la moyenne nationale. Les écarts selon les réalités territoriales sont importants et la médiane est un indicateur plus parlant mais retenons surtout l’augmentation de la distance qui, dans une certaine mesure, montre que l’amélioration des mobilités alternatives peut fluidifier la circulation et rendre les centre-ville attractifs ; mais dans le même temps le marché de l’immobilier monte, éloignant les plus modestes de leur lieu d’emploi.
« En 1995 et 2006, les cadres et les professions intermédiaires avaient en moyenne une probabilité d’utiliser la voiture pour se rendre au travail supérieure, respectivement, de 2,5 et 3,6 points de pourcentage à celle des ouvriers. En 2015, la tendance est inverse : la probabilité pour les cadres d’utiliser la voiture est inférieure à celle des ouvriers de 2,1 points de pourcentage, et de 1,5 point pour les professions intermédiaires. Les ouvriers conduisent davantage leur voiture particulière qu’auparavant : 63 % des ouvriers se rendent au travail en voiture en 1995 contre 67 % en 2015. Mais les changements observés quant à l’usage de la voiture ne peuvent pas se justifier seulement par une moindre appétence des salariés les moins qualifiés à changer leurs pratiques de mobilité. Ils relèvent aussi de facteurs liés aux emplois et à leur accessibilité. Alors que les cadres et les professions intermédiaires ont choisi de moins utiliser la voiture, les ouvriers et les employés ont été contraints d’en intensifier leur usage. »
Par cet exemple qui n’est pas unique, la ZFE pourrait accroître les inégalités sociales en interdisant aux personnes les moins qualifiées un « droit à polluer » là où les plus qualifiés ne sont pas encore empêchés de prendre l’avion anéantissant en un aller-retour l’impact écologique des investissements pour la mobilité durable du quotidien.
Soutenir les mobilités alternatives, rendre les villes accessibles
La question de l’équilibre entre le droit à la mobilité et la nécessité de réduire la pollution pose un défi complexe. Les politiques de mobilité durable doivent viser à créer des solutions inclusives, en offrant des alternatives de transport accessibles à tous. Les 25 propositions de France Urbaine affirment qu’un équilibre qui allie transition écologique et justice sociale est possible. Cela implique des investissements dans les transports en commun pour les rendre abordables, la promotion du covoiturage et de la mobilité partagée, ainsi que le développement de mobilités douces, grâce à des zones piétonnes et cyclables sécurisées. Des mesures d’accompagnement telles que des incitations financières pour le remplacement des véhicules polluants, des tarifs réduits pour les transports en commun ou des solutions de mobilité solidaire pourraient contribuer à atténuer les effets négatifs potentiels sur les populations vulnérables. Et ce en les étendant aux territoires voisins de ZFE, afin de ne pas pénaliser les populations éloignées de la zone urbaine mais qui ont besoin d’y accéder.
Avec Mobicoop et les services publics de covoiturage, nous offrons des solutions gratuites pour les usagers, rendant la mobilité accessible à tous, indépendamment de leur situation économique. Pourtant, là aussi il y a un risque de renforcement des inégalités au sens où la masse critique de covoiturage (nombre d’usagers suffisant sur un territoire pour permettre la réalisation des covoiturages demandés) est plus facilement atteinte en zone dense. Le covoiturage peut alors devenir un moyen de substitution à des offres de transport en commun là où justement il devrait plutôt compléter une offre insuffisante en milieu peu dense.
Les ZFE sont une opportunité à condition qu’elles invitent à soutenir les mobilités alternatives en milieu peu dense, sinon elles risquent de se résumer à une accélération de l’adoption d’une mobilité électrique pour les publics les plus aisés.
Mobicoop, des solutions collaboratives au plus près des territoires
Mais encore faut-il que la gouvernance des mobilités soit adaptée à l’échelle d’un bassin de vie qui n’est en outre pas le périmètre d’une ZFE. Vous avez dit « complexité » ?
Notre coopérative agit en collaboration étroite avec les acteurs locaux, y compris les services sociaux et les associations de solidarité qui sont en première ligne auprès des publics précaires.
Ce lien étroit garantit que les solutions de mobilité partagée répondent véritablement aux besoins des populations vulnérables. En travaillant ensemble, nous identifions les lacunes dans l’accessibilité à la mobilité et développons des stratégies pour les surmonter. Cette approche collaborative permet de prévenir la marginalisation des individus vivant en périphérie des ZFE.
Néanmoins, ce n’est souvent pas une mobilité inclusive qui est proposée mais une mobilité à deux vitesses car les acteurs concernés n’ont pas les moyens d’agir sur la complexité et pallient à l’urgence par des aides pour rendre accessible des moyens onéreux et individuels (véhicule électrique par exemple) là où une démarche inclusive nécessite de renforcer aussi la révolution des usages (autopartage, covoiturage…) aboutissant au long terme à la libération du foncier avec la diminution des besoins de stationnement notamment.
Le covoiturage – et notamment l’organisation du covoiturage avec une garantie de l’offre, le cas échéant sous forme de lignes de covoiturage – l’autostop, le transport solidaire et l’autopartage jouent un rôle clé en offrant des alternatives pour les personnes en périphérie des ZFE. En repensant nos modes de déplacement et en mettant en place des politiques équilibrées, nous pouvons créer des villes plus justes et plus durables, où le droit à la mobilité est préservé pour tous.
Merci,
Il faut continuer à faire évoluer les mentalités.
Bonne soirée.
Lidia
res.citoyen@gmail.com