Annoncée début octobre dernier par Clément Beaune, Ministre délégué chargé des Transports, une prime Covoiturage de 100€ sera mise en place par le Gouvernement à partir du 1er janvier 2023. Son objectif : inciter le grand public à se lancer dans la pratique du covoiturage et atteindre la barre symbolique des 3 millions de trajets quotidiens réalisés par les Français.
Cette mesure s’inscrit dans le cadre d’un plan national covoiturage renforcé, dont l’annonce interviendra le mardi 13 décembre, impliquant d’autres mesures favorisant le partage de trajets (stationnement etc.).
A qui s’adresse cette prime covoiturage ? Sur quels leviers financiers s’appuie-t-elle et qu’est-ce que cela révèle de la politique de l’Etat sur le covoiturage ? Mobicoop vous explique tout dans cet article.
La prime covoiturage pour atteindre une masse critique de trajets
Tout d’abord, la prime covoiturage ou bonus covoiturage de 100€ s’adressera exclusivement aux conducteurs inscrits sur une plateforme numérique de covoiturage publique ou privée et partageant leurs trajets. La réalisation d’un premier trajet, associée à la production d’une preuve de covoiturage, permettra au conducteur de toucher une première partie de la prime (25€). Puis celui-ci devra réaliser de nouveaux trajets en covoiturage dans les mois suivants pour toucher le reste du coup de pouce covoiturage. En faisant le choix de faire vos trajets sur Mobicoop, vous pourrez cumuler les trajets courte et longue distance et ainsi recevoir 2 fois 100€ Pour en savoir plus. Mobicoop vous propose un article spécifique sur la procédure à suivre pour obtenir la prime.
A travers ces modalités, on peut constater le choix de l’Etat de prioriser l’atteinte d’une « masse critique » d’utilisateurs sur les plateformes de covoiturage : l’objectif est avant tout de voir apparaître une offre conséquente de trajets y compris sur des courtes distances, en misant sur le fait que la demande des passagers suivra naturellement.
Par ailleurs, les opérateurs de covoiturage joueront un rôle central dans le dispositif puisque les utilisateurs seront obligés de passer par l’un d’entre eux pour bénéficier du bonus covoiturage. La pratique du covoiturage dans un cadre autonome et ne donnant pas lieu à la production de données numériques ne pourra pas être récompensée, aussi vertueuse soit elle.
Une prime covoiturage financée par le dispositif des Certificats d’économie d’énergie (CEE)
Comme nous avons pu le constater au mois d’octobre, l’annonce d’une prime covoiturage de 100€ arrivant directement sur le compte bancaire de l’usager permet au Gouvernement à la fois de réaliser un coup de communication politique simple et efficace et de servir aux médias une annonce facile à relayer massivement et touchant directement la sensibilité d’un grand public attentif à son pouvoir d’achat. Derrière cette formule, il est intéressant d’analyser la réalité du circuit de financement du coup de pouce covoiturage. Celui-ci sera en effet financé dans son intégralité par le dispositif des Certificats d’économie d’énergie (CEE), principal levier de la politique publique de maîtrise de la dépense en énergie.
Les Certificats d’économie d’énergie permettent à la puissance publique d’obliger les fournisseurs d’énergies (Total Energies, ENGIE, EDF etc.) à contribuer la réduction de la dépense d’énergies en produisant ou finançant des actions générant des économies d’énergies pour les ménages, collectivités et entreprises. Chaque année, ces fournisseurs « obligés » doivent justifier une certaine quantité de CEE, au prorata de leur chiffre d’affaire, sous peine de pénalités financières importantes.
Depuis le 26 septembre 2022, un nouvel arrêté ministériel définit des opérations standardisées « covoiturage », c’est-à-dire des opérations permettant aux opérateurs de covoiturage de produire des CEE à chaque fois qu’un nouveau conducteur s’inscrit sur leur plateforme et réalise un premier covoiturage. En vendant ces CEE aux « obligés », les opérateurs de covoiturage sont désormais en capacité de se rémunérer à chaque fois qu’ils attirent un nouvel utilisateur.
Dans le cadre de la prime covoiturage, l’Etat va par un nouvel arrêté ministériel accorder une « bonification » aux opérateurs en doublant pendant toute l’année 2023 le nombre de CEE produits à chaque opération, leur permettant ainsi de doubler leurs recettes à la vente aux fournisseurs d’énergies. En contrepartie, les opérateurs s’engageront à verser la prime de 100€ aux conducteurs. En résumé, ce sont donc les fournisseurs de carburant, d’électricité ou de gaz qui vont financer les conducteurs en s’appuyant sur les plateformes de covoiturage comme intermédiaire.
Prime covoiturage : Qui gagnera la course aux nouveaux conducteurs ?
Sur un dispositif aussi complexe que celui-ci, il n’est pas surprenant que le diable se cache dans les détails. En effet, un des points les plus importants à retenir est l’importance du choix de l’opérateur par le conducteur qui souhaitera bénéficier du Coup de pouce covoiturage.
Tout d’abord, il est important de rappeler qu’un même conducteur ne pourra bénéficier de la prime covoiturage qu’une seule fois, en passant par l’opérateur de son choix. Les doubles demandes seront systématiquement évitées grâce à un mécanisme commun à tous les opérateurs pour rejeter une demande faite par un même conducteur auprès de 2 opérateurs différents.
En choisissant telle ou telle plateforme de covoiturage, le conducteur acceptera de se rendre captif d’un opérateur unique puisqu’il devra réaliser tous ses trajets en covoiturage en utilisant la même plateforme s’il veut bénéficier de la totalité de la prime. Les opérateurs ont bien compris que l’enjeu est d’attirer un maximum de nouveaux utilisateurs dès le lancement du dispositif, non seulement pour produire et vendre un maximum de CEE, mais également pour augmenter leur nombre d’utilisateurs réguliers sur le long terme.
Dans ce contexte, le 1er janvier 2023 marquera le Top départ d’une véritable course aux nouveaux utilisateurs pour les opérateurs. Il y a fort à parier que le grand public, à qui on ne cesse de faire croire qu’il n’existe qu’un seul opérateur de covoiturage en France (inutile de le citer), s’orientera naturellement vers celui-ci plutôt que vers des plateformes publiques (Mov’ici, OuestGo, Pass Pass Covoiturage, Mobigo…) ou encore vers la plateforme libre et sans commission Rezo Mobicoop.
Quels enseignements pour l’avenir du covoiturage en France ?
Quel que soit le futur bilan de cette opération nationale orchestré par l’Etat, la mise en place du Coup de pouce covoiturage marque un moment charnière dans l’évolution des politiques publiques en faveur du covoiturage en France.
Le levier financier est définitivement vu comme le levier majeur pour développer la pratique du covoiturage. A travers la prime covoiturage, l’Etat s’adresse à l’homo economicus qui sommeille en chacun de nous. Cependant, une prime de 100€ suffira-t-elle à effacer les autres contraintes (organisation quotidienne, vivre ensemble…) et à ancrer le covoiturage dans les habitudes des Français ?
D’autres part, le dispositif tel qu’il a été construit, s’adressant uniquement à l’offre de trajets (les conducteurs) tout en rendant les utilisateurs captifs d’une seule et même plateforme, démontre que c’est bien la vision des opérateurs commerciaux qui s’est imposé au niveau des services de l’Etat. Ces opérateurs ont fait le choix depuis plusieurs années de parcours utilisateurs de plus en plus balisés (messagerie, itinéraire, paiement…) et réussissent dorénavant à imposer ce modèle de pensée à la puissance publique dans la conception de ses politiques incitatives.
Dernier enseignement, la question des données est plus que jamais au centre des enjeux pour le développement d’un covoiturage libre et d’intérêt collectif. Si la nécessité de produire des preuves de covoiturage semble de plus en plus incontournable pour offrir à cette pratique la visibilité qu’elle mérite, il existe aujourd’hui un véritable enjeu de partage des données et d’interopérabilité entre toutes les plateformes, qu’elles soient publiques ou privées, gratuites ou payantes, afin de maximiser les mises en relation et de ne pas placer l’opérateur devant celles et ceux qui réalisent le covoiturage.
Toutefois, bien employé avec une communication ciblée sur un territoire, ce dispositif peut offrir un coup de projecteur utile sur le covoiturage, et pourrait alors constituer une étape utile vers une plus grande pratique de la mobilité partagée.
Bonjour,
Merci pour votre article.
Je prends le temps de publier des offres de covoiturage en tant que conducteur sur mobicoop (avant, covoiturage-libre et roulez-malin) depuis des années à chaque fois que je fais en grand trajet et j’informe même mais passagers trouvés avec blabla qu’il existe d’autres sites « libres » en leur donnant même un « flyer » avec mon pseudo sur mobicoop. Résultats : aucun covoiturage fait avec mobicoop depuis des années alors que je ne demande pas plus que ce que je récupère comme participation financière sur blabla donc, pour l’instant, ça ressemble à une perte de temps pour moi… mais je persévère pour des raisons éthiques.
Maintenant je lis dans cet article : « …. plateformes publiques (Mov’ici, OuestGo, Pass Pass Covoiturage, Mobigo…) …. « . Comment voulez vous que les offres de covoiturages sur les plateformes libres soient conséquentes pour les passagers si en plus elles sont « diluées » sur plusieurs plateformes !?
Oui, blabla a levé des fonds pour sa publicité mais du côté des plateformes libres, il faut que vous soyez « solidaires » et que vous créiez un système de partage d’annonces entre plateforme qui fait que quand un passager recherche un trajet sur une plateforme libre, cette plateforme utilisée peut renvoyer sur une autre plateforme libre SINON il n’y a AUCUN espoir qu’un jour il y ait assez d’annonces sur une plateforme libre pour qu’elle devienne suffisamment populaire.
Ou, chaque nouvelle plateforme libre doit juste être une « vitrine » qui renvoie sur celle qui a le plus d’annonces (modicoop ou autres) pour que toutes les offres de trajets soient disponibles sur UN SEUL site et que les conducteurs et passagers ne perdent pas leur temps à publier des annonces. La réalité est que nous sommes tous en « manque de temps » donc des choix seront fait en fonction du caractère chronophage et pour l’instant nous savons tous que nous avons plus de chance de trouver des passagers sur le site que vous ne voulez pas nommer.
Par ailleurs, je vous ai envoyé un message concernant la publication d’annonce. Il serait bien que l’on puisse RE-publier une annonce archivée pour nous éviter de dépenser le temps passé à RE-remplir les différentes étapes de création d’une annonce.
En nous souhaitant (plateformes, conducteurs et passagers) bonne chance pour l’avenir du covoiturage « libre ».
Ed
Bonjour, les plateformes dont nous parlons sur cet article sont créées et gérées par Mobicoop à la demande de collectivités locales. Certaines sont déjà interopérables avec mobicoop.fr, d’autres nous sommes encore en cours de négociation. C’est bien l’objectif de Mobicoop de permettre que toutes les annonces de covoiturages entre nos plateformes et nos concurrents soient visibles, sinon comme vous dites nous n’atteindrons jamais l’effet de masse souhaité.
bonjour
merci pour l’info. vous êtes effectivement en concurrence avec blabla car. mon problème est que je n’arrive pas à avoir de co voitureur avec vous. jamais aucune proposition. vous n’êtes pas connu. c’est dommage. yannick