Margot
Hauts-de-France
www.passpasscovoiturage.fr
Jérémy
Auvergne-Rhône-Alpes
movici.auvergnerhonealpes.fr
Exemples concrets, sur les territoires d’Auvergne-Rhône-Alpes et des Hauts-de-France
1. Depuis quand exercez-vous en tant qu’animateur ou animatrice chez Mobicoop ? Dans quels types de structures intervenez-vous ?
Jérémy Lelièvre : Je suis animateur pour le covoiturage quotidien depuis un peu plus d’un an chez Mobicoop, et plus spécifiquement pour le service de covoiturage local MOV’ICI, qui est porté et financé par la Région Auvergne-Rhône-Alpes.
Dans mon quotidien, j’accompagne le grand public pour des trajets longue distance, j’apporte des réponses aux questions qu’ils peuvent avoir sur le fonctionnement de la plateforme et sa prise en main. J’accompagne aussi des entreprises, des associations, des administrations qui souhaitent s’investir sur la thématique du covoiturage courte distance par l’intermédiaire de ce qu’on appelle “une communauté” ou encore des événements. Les communautés rassemblent des personnes faisant partie d’une même structure ou territoire. Ces personnes peuvent ainsi partager leurs trajets !
Aux côtés des “Référent·e·s de communauté”, j’aide à faire connaître le service auprès des publics. L’accompagnement se traduit par une montée en compétence sur la conduite du changement, le développement du covoiturage à l’échelle de leur structure, la mise en place d’une stratégie d’animation, etc. Ces personnes sont nos relais sur le terrain avec leurs adhérent·e·s.
Margot Lelong : Depuis un peu plus d’un an, j’anime plus exactement la plateforme de covoiturage régionale des Hauts-de-France : Pass Pass Covoiturage. J’interviens dans tous types de structures : entreprises, institutions publiques, évènements grand public… Notre objectif premier est de recruter un maximum d’utilisateurs sur notre plateforme afin de développer le covoiturage domicile – travail dans la Région.
Si le covoiturage occasionnel sur la longue distance s’est démocratisé ces dernières années, ce n’est pas le cas du covoiturage régulier de courte distance, qui représente pourtant la part la plus importante de nos déplacements. Selon l’ADEME, plus de 70 % de nos déplacements font moins de 5km et sont encore trop souvent effectués en autosolisme.
2. Combien d’animation réalisez-vous par an et de quel type ?
J.L : Je propose une dizaine d’animation par an sur le terrain, quand la conjoncture le permet. Le temps de préparation d’une animation n’est pas à négliger. Avant de se présenter le jour-J, l’animateur·rice doit connaître le degré d’information du public sur le sujet, le nombre de personnes présentes, les antécédents qu’il y a pu avoir sur la structure…
Concernant le design de l’animation, nous partons d’une base (ajustable) que nous proposons aux Référent·e·s de communauté lors de cette phase de préparation. Cela peut prendre différentes formes. Plus l’animation est “décalée”, plus les personnes ont envie d’y participer, et reçoivent le message clair que l’on porte.
M.L : Entre le mois de septembre 2019 et mars 2020 j’ai organisé plus d’une vingtaine d’animations « physiques » sur le territoire. La crise sanitaire a stoppé mes activités entre le mois de Mars et le mois d’Août 2020. Cependant on peut se réjouir que la crise sanitaire n’ait pas affecté durablement la pratique du covoiturage puisque j’ai organisé une vingtaine d’animations « physiques » au cours du mois de septembre et octobre 2020.
Par animation « physique » j’entends animation en présentiel de type : animation de stand, de village mobilité, animation sur les parkings généralement saturés, ou encore l’organisation de petit déjeuner ou d’afterwork sur le thème du covoiturage.
En dehors de ces interventions il y a également l’animation « digitale ». Il s’agit alors d’organiser la diffusion de l’information via les intranets des structures, via l’envoi de mailing ou l’animation des réseaux sociaux…
J’accompagne les ambassadeurs Pass Pass Covoiturage afin qu’ils soient autonomes dans l’animation de leurs réseaux.
Les freins face à la pratique du covoiturage courte distance ne sont pas homogènes : les stratégies d’animation doivent être territorialement, économiquement et socialement adaptées.
3. Est-ce que vous constatez un changement de comportement ou d’habitudes dans vos animations et chez les utilisateurs suite à la Covid-19 ? Si oui, comment rassurez-vous ces personnes et pouvez-vous encore faire des animations ?
J.L : D’une manière générale, le covoiturage, comme la plupart des transports collectifs, on prit de plein fouet la crise sanitaire que l’on connaît tous. Par “peur”, certains se sont tournés vers un usage individuel de la voiture, pourtant il est constaté dans le covoiturage régulier que les contacts avec autrui sont moins “risqués”, car les équipages sont généralement les mêmes tous les jours.
D’un autre côté, comme toute situation particulière, on peut aussi avoir son lot de surprise. J’ai accompagné en septembre dernier, pendant la semaine de la mobilité, l’Hôpital de Romans-Sur-Isère, dans la mise en place d’une communauté pour son personnel. Je trouve cette exemple parlant, car le personnel hospitalier était à l’écoute et à la recherche de moyens de déplacements alternatifs : covoiturage, vélo, bus, trottinette, etc.
Enfin et surtout ce qu’il faut retenir, c’est que covoiturer ne doit pas être une contrainte. L’engagement d’ouvrir son véhicule, ou de devenir passager, ne doit pas être une obligation, mais la volonté de tendre vers une mobilité plus raisonnée, à son allure. On peut très bien commencer par covoiturer, une fois, puis deux fois par mois ou par semaine, pour petit à petit prendre le rythme ou découvrir d’autres personnes et d’autres façons de faire ensemble.
M.L : Si le confinement et le développement du télétravail ont changé les habitudes de déplacements des travailleurs, on constate un retour des usagers sur notre plateforme depuis le mois de septembre 2020. Nous sommes quasiment revenus au même taux de fréquentation de la plateforme qu’avant la crise sanitaire.
Le covoiturage domicile – travail, notamment le covoiturage entre collègues de travail ou entre voisins, est une solution appréciée de nos usagers afin d’éviter les transports en communs bondés aux heures de pointe. Et si certains usagers des transports en commun utilisent à nouveau leur voiture, le fait d’être coincé chaque jour plusieurs heures dans les bouchons leur est insupportable. Pour les personnes ne souhaitant pas covoiturer, la Covid est une excuse supplémentaire pour ne pas sauter le pas. Le covoiturage est autorisé dans le respect les règles en vigueur disponible sur le site du gouvernement.
Quant aux animations, j’en organise toujours même si les jauges sont restreintes. À l’aide des ambassadeurs et référents des communautés Pass Pass Covoiturage nous adaptons progressivement nos méthodes de travail à la situation sanitaire.
4. Quels sont les principaux freins des personnes que vous rencontrez concernant le covoiturage ? (hors Covid)
J.L : L’un des freins principaux qui revient régulièrement est : la perte de la flexibilité horaire, dont les personnes ont besoin. Pourtant en fin de journée, si je devais comptabiliser toutes les personnes qui m’ont donné cet argument, et que j’avais réussi à les faire poster une annonce, je suis presque sûr qu’on aurait pu les faire covoiturer !
L’autre frein gênant, c’est l’habitude, avec sa dose de solitude et de déni qui l’accompagne. C’est presque devenu un automatisme pour certains de prendre la voiture le matin, le soir, sans pour autant connaître les autres moyens qu’ils peuvent avoir à leur porté (comme poster une annonce de covoiturage sur une application). On parle souvent de l’aspect social du covoiturage, c’est presque devenu “cliché”, alors que c’est sans doute le meilleur côté : la découverte, l’ouverture de soi, et de l’autre.
M.L : Les principaux freins à la pratique du covoiturage sont psychologiques.
Depuis longtemps nos sociétés contemporaines ont promu l’usage de la voiture individuelle jusqu’à normaliser cette pratique. Dans l’imaginaire collectif, la voiture est un prolongement de notre domicile alors que ce n’est qu’un outil pour se déplacer. Par exemple, une personne prenant quotidiennement le bus et/ou le train accepte de s’organiser pour arriver une dizaine de minutes en avance, alors que cette pratique n’est que très peu envisagée lorsqu’on prend sa voiture.
Un autre frein psychologique est notre rapport au temps, nous partageons tous des contraintes horaires. Il serait temps d’être davantage flexibles, les travailleurs y gagneraient en qualité de vie en diminuant leur stress sur la route et au travail.
5. Aujourd’hui, selon votre analyse, quel technique d’animation ou de sensibilisation permettrait d’augmenter la pratique du covoiturage ?
J.L : J’évoquais le côté “décalé” des animations que nous mettons en place. Il est nécessaire aujourd’hui d’informer le public pas seulement avec des discours et de la contrainte, mais de façon plus collective. Il faut leur donner envie de changer, cela passe :
- Par de l’accompagnement qualitatif (animation régulière, écoute des contraintes et solutions adéquates),
- Par le temps : la conduite du changement se fait en plusieurs étapes. On ne peut pas demander aux personnes de changer et stabiliser un nouveau comportement, quand l’ancrage de l’usage de la voiture est très présent. Il faut mettre en place des incitations pour les bonnes pratiques afin de valoriser celles et ceux qui sont motivé·e·s (forfait mobilité, stationnement covoiturage, etc.)
M.L : La régularité des animations est la clé pour augmenter le potentiel de covoiturage d’un territoire ou d’une structure. La réussite d’une animation est indissociable d’une stratégie de communication efficace. L’implication d’ambassadeurs et de référents covoiturage n’est pas négligeable dans l’impact que pourra avoir une animation covoiturage.