Deux Lorrains ont inventé un système de covoiturage en temps réel. Une innovation qui pourrait bientôt être expérimentée sur le Sillon Lorrain.
Oui. Les adeptes du covoiturage classique peuvent s’enorgueillir d’être des citoyens engagés, des fourmis du développement durable, des pourfendeurs de pollution, des smart pilotes… Toi aussi, lecteur, tu voudrais pouvoir crânement affirmer : « J’en suis ! ».
Mais voilà. Partager sa route et son auto, c’est souvent compliqué et contraignant. Le covoiturage existe depuis trente ans. En 1976, le taux de remplissage des véhicules était de 1,35. Depuis 1995, il est tombé à 1,32. Autrement dit, il faut 10 voitures pour transporter treize personnes. Et en Lorraine, seulement 4% des conducteurs pratiquent le partage des trajets… Pas de quoi rouler des mécaniques.
Mais c’est sans compter sur la nouvelle attitude de mobilité partagée « Covivo ». Le système a été inventé et développé par Matthieu Jacquot etMarc Grosjean, ingénieurs trentenaires et respectivement lunévillois et nancéien. « La nouveauté c’est le covoiturage en temps réel, donc flexible. Le système repose sur l’aspect communautaire des utilisateurs et sur une densitéminimale de volontaires ».
Comment ça marche ?
Chauffeurs et passagers s’inscrivent gratuitement sur le site internet. Dès lors, ils possèdent un compte en ligne, qui sera débité ou crédité à chaque voyage. Le coût est basé sur le partage des frais d’essence, au prix de l’essence en cours.
Pour accéder au réseau, les conducteurs doivent être équipés d’un Iphone, Smartphone ou tout téléphone équipé d’un GPS. Ou acquérir l’appareil estampillé Covivo, au prix de 400 euros.
Dès qu’ils sont connectés, les conducteurs sont informés en temps réel des demandes sur leur trajet du jour et guidés jusqu’à leurs passagers par l’appareil. Une évaluation du gain et du temps de détour est calculée.
De l’autre côté, un SMS du type : « Une personne de notre réseau passe vous prendre dans quelques minutes. Véhicule de marque Z, couleur bleue, immatriculé 5459SR88 »s’affiche instantanément chez le passager en attente.
Aspect social
« Nous sommes prêts techniquement et devons maintenant mettre en place un terrain d’expérimentation. Pour cela, nous avons besoin d’un partenaire qui investisse des fonds dans notre projet. Suit l’adhésion des citoyens, sans qui rien ne pourra se faire. Et, enfin, le soutien des collectivités locales et territoriales. Notre objectif n’est pas d’entrer en concurrence avec le réseau de transports public. Mais de pallier les manques sur l’interurbain, le banlieue à banlieue et notamment le sillon lorrain. Nous avons présenté le projet à la Région, qui s’est montrée enthousiaste. Mais cet engouement reste à concrétiser ».
Au-delà de la vocation de développement durable, les deux ingénieurs ont intégré un aspect social à leur innovation. « Nous souhaitons ne pas laisser de côté les personnes habitant des zones enclavées et ceux sans emploi ou sans permis qui ont des difficultés à se déplacer. La signature d’une convention avec les collectivités locales et territoriales permettrait une prise en charge partagée de ces personnes. De plus, nous pourrons demain renseigner précisément les services de réseau de transports collectifs sur les besoins des citoyens ».
Le seuil requis pour démarrer la phase d’expérimentation est de deux cents véhicules volontaires sur l’axe du Sillon Lorrain. « Le déploiement pourrait alors se faire dès 2010 », projettent les deux jeunes chefs d’entreprise.
Installés au sein d’une pépinière d’entreprises de Pompey, Matthieu Jacquot et Marc Grojean ont le regard définitivement tourné vers demain et travaillent notamment avec le Pôle du véhicule du futur d’Etupes à proposer des solutions pour les mobilités du futur.
Infos et inscriptions sur www.roulezmalin.com
La région s’engage
Le Conseil régional a ouvert en fin mars un portail dédié au covoiturage (www.lorraine.eu). Le site référence les initiatives de covoiturage en Lorraine « de manière à proposer une offre la plus large possible », affirme Patrick Hatzig, vice-président du conseil délégué aux transports.
La Région met à disposition des communes et collectivités un million d’euros pour cofinancer des parkings qui serviront de lieu de rendez-vous aux covoitureurs. « Les mentalités sont difficiles à faire évoluer. Mais nous avons des vues sur deux haltes ferroviaires près desquelles on pourrait construire des parkings de covoiturage. L’une près de l’ancien haut-fourneau d’Uckange et l’autre à Talange ».
Le sillon lorrain est emprunté tous les jours par 70.000 Lorrains ? Dont 15% qui utilisent les transports en commun (train, bus et covoiturage). En 2030, ils seront 135.000 travailleurs frontaliers à utiliser ce sillon tous les jours. « L’objectif que vise la Région est de passer à 25% d’utilisateurs des transports en commun », annonce Patrice Hatzig. « Cela passera par une optimisation des trains, bien sûr, mais aussi le développement du covoiturage ».